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LeGueuloire
20 mai 2013

Le nouveau règne de Pan

Joshua Meehan

Imaginez une planète où l'air suffocant rend le soleil à peine visible aux heures les plus claires de la journée, imaginez un monde où les océans, autrefois vastes oasis de vie et pouponnières de toutes les espèces sont devenus d'immenses déserts emplis d’immondices, vastes poubelles regorgeant des déchets infâmes d'une société à l'agonie. Les barrières de coraux autrefois joyaux de la nature ; à l'image de leurs sœurs terrestres verdoyantes transformées en tas de sciures et de cendres brûlantes par l'avidité d'une espèce aussi perverse que dangereuse ; ont perdu tout leur éclat et ne sont alors que d'immenses murs blanchâtres, plaie immonde et stérile, où nulle vie ne s'attarde devant le spectre de leur splendeur disparue, entraînant dans leur mort le reste de la nature. Les forêts ne sont plus que l'ombre d'elles-même, peuplées de créatures apeurées, loin de la splendeur de leurs ancêtres des premiers âges, cerfs rayonnant de puissance et sangliers féroces, rois et maîtres d'une nature aujourd'hui oubliée au confins des histoires d'un passé ancestral. Nul n’échappe à la cupidité de la nouvelle race encore jeune mais s'imaginant déjà maître du monde et des éléments, même les isolées et mystérieuses régions boréales, habitées par les esprits de notre monde périssent sous le joug cruel et sans pitié de valeurs abstraites que les nouveaux seigneurs de la Terre adulent plus que la nature qui leur a donné la vie.

Ils vivent au centre de villes sombres et immenses, posées là comme d'affreuses montagnes impies aux couleurs de la suie, s’étendant inlassablement en dévorant comme un monstre infernal l’environnement qui l'entoure. A l'ombre des tours sans vie, aussi froides que le tréfonds de leur âme, leurs semblables, devenus morts vivants par une vie de travail, migrent chaque jour en masse silencieuse et moribonde telles des armées spectrales pour recueillir péniblement de quoi vivre. Car ils s'imaginent encore vivants, mais ce n'est plus du sang qui s'écoule dans leurs veines ni de l'air qu'ils respirent, leur corps tout entier ne dépend plus que de l'argent. Ils sont devenus les esclaves de ce qu'ils ont crée, incapable de se défaire de cette addiction mortelle, entraînant dans leur folie le monde où ils vivent et toutes ses richesses.

Alors qu'ils s'en vont chaque jour chercher un peu plus de cet argent invisible et virtuel avec la certitude de la réussite, menés par les quelques gouttes d’espoir qui alimentent encore leur cœur en berne, ils délaissent leur progéniture à de ténébreux érudits, au savoir aussi grand que leur clémence, vomissant sans cesse, au plus profond de leur sanctuaire maudit, d'insipides leçons à des masses ignorantes et naïves qui les écoutent avec l'attention effrayante de fervents croyants écoutant le discours de leur prêcheur. Ce noir inquisiteur des bonnes mœurs et de l'éducation leur narre passionnément les histoires d'un monde qui au dehors de ces salles balafrées par des hideux néons, n'est plus que la pâle imitation de sa splendeur originelle.

Quand vient l'heure de retourner dans leur impersonnel foyer, ils ingurgitent salement et sans soucis les derniers bienfaits qu'une nature surexploitée a à leur offrir autour d'une triste et pâle imitation de famille. Durant ces heures qui devraient être faites de réjouissances de revoir les êtres proches après une dure journée de labeur, elles ne sont faites que d'ignorance mutuelle et de conversations banales à l'image de leur vie misérable et morne. Les parents, abrutis de rêves de richesses et de vie bien rangée, s'imaginent ne pas avoir à faire l'éducation de leur enfants, le sénile et affreux professeur s'en chargeant pour eux.

Ces accablés et oubliés de tous, que sont les jeunes de ce monde décrépi, s'en vont passer la nuit dans le monde virtuel, pensant alors ce libérer des règles idiotes et autoritaires imposées par une société qu'ils n'ont pas choisi. Ils se laissent alors séduire par les marchands de rêve qui parcourent ces infinis espaces binaires, proposant sexe et richesse aux yeux de ces rêveurs déchus, tombant dans les pièges de l'ignorance. Ils reproduiront alors plus tard ce que ce vaste monde de débauche numérique leur montre, la leçon de vulgarités et de niaiseries étant bien plus compréhensible que les idioties de leur maître d'école.

 

Ce monde n'est pas celui de demain, il est de chacune de nos journées. Car c'est ainsi qu'est la fin de l'espèce humaine, décadente et totale.

 

 

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